Poème : Où Que Me Porte Mon Voyage La Grèce Me Blesse écrit par Giorgos Seferis (1900-1971), diplomate et prix Nobel de littérature en 1963 Mis en musique par Vangelis et Interprétée par Melina Mercouri A Pilion, parmi les oliviers, la tunique du centaure Glissant parmi les feuilles a entouré mon corps Et la mer me suivait pendant que je marchais Où que me porte mon voyage, la Grèce me blesse A Santorin en frôlant les îles englouties En écoutant jouer une flûte parmi les pierres ponces Ma main fut clouée à la crête d'une vague Par une flêche subitement jaillie des confins d'une jeunesse disparue Où que me porte mon voyage, la Grèce me blesse A Mycènes, j'ai soulevé les grandes pierres et les trésors des Atrides J'ai dormi à leur côtés à l'hôtel de "La Belle Hélène" Ils ne disparurent qu'à l'aube lorsque chanta Cassandre Un coq suspendu à sa gorge noire Où que me porte mon voyage, la Grèce me blesse A Spetsai, à Poros et à Myconos les Barcaroles m'ont soulevé le coeur Où que me porte mon voyage, la Grèce me blesse Que veulent donc ceux qui se croient à Athenes ou au Pyrée l'un vient de Salamine et demande à l'autre si il "ne viendrait pas de la place Omonia" "non, je viens de la place Syndagma" repond-il satisfait "j'ai rencontré Yannis et il m'a payé une glace" Pendant ce temps la Grèce voyage et nous n'en savons rien, nous ne savons pas que, tous, nous sommes marins sans emploi et nous ne savons pas combien le port est amer quand tous les bateaux sont partis Où que me porte mon voyage, la Grèce me blesse Drôles de gens, ils se croient en Attique et ne sont nulle part ils achètent des dragées pour ce marier et il se font photographier l'homme que j'ai vu aujourd'hui assis devant un fond de pigeons et de fleurs laissait la main du vieux photographe lui lisser les rides creusées de son visage par les oiseaux du ciel Où que me porte mon voyage, la Grèce me blesse Pendant ce temps, la Grèce voyage, voyage toujours Et si la mer Egée se fleurit de cadavres ce sont les corps de ceux qui voulurent rattrapper à la nage le grand navire Où que me porte mon voyage, la Grèce me blesse Les Pirée s'obscurcit les bateaux sifflent, ils sifflent sans arrêt mais sur le quai nul cabestan ne bouge Nulle chaine mouillée n'a scintillé dans l'ultime éclat du soleil qui décline Où que me porte mon voyage, la Grèce me blesse Rideaux de montagnes, archipels, granites dénudés le bateau qui s'avance s'apelle Agonie ...